jeudi 26 janvier 2017

Fin du suspense...!

La dernière fois que j’écrivais c’était le 7 janvier. Nous sommes le 22 janvier. Il m'a été impossible de m'installer pour mettre le blogue à jour avant ce matin. Depuis, quel tourbillon ! Je me sens… essoufflé. Envahi d’émotions si contrastantes… moments magiques, moments touchants, sentiment d’impuissance, remises en question, vagues troublantes de lucidité, épisodes choquants, pointes d’angoisse, périodes d’émerveillement, tous ces états se sont succédés et se sont empilés comme autant d’étages d’un immense gâteau à saveur de « go with the flow », saupoudré d’une bonne dose de piment-garçon…!

Je rappelle au passage que le condiment passe-partout, ici, c’est le piment. Le « piment-garçon », c’est le piment fort plus fort que le reste du piment fort, qui est lui-même très fort… il est fort… et à Goré, le piment est particulièrement garçon.

Allons-y…!

Rentabiliser le temps
La boule avec sauce gumbo
Cloués à N’Djamena par les entourloupettes administratives que l’on connait, nous avons décidé de mettre ce temps à profit. Les 8 et 9 janvier nous avons fait du tournage en vue du documentaire. Entrevues de fond le dimanche matin, puis sortie dimanche après-midi dans la concession familiale de Taigue au quartier Farcha. Les frères, soeurs, neveux et nièces de Taigue nous ont accueillis chaleureusement, et nous avons mangé LE plat traditionnel : la boule (qui rappelle la texture de la polenta) accompagnée par la gélatineuse et savoureuse sauce gumbo. Le tout se mange bien entendu à la main — tout un défi. J’ai même eu le bonheur de participer à la confection de ladite boule, tentant de brasser le mélange dans le grand caquelon de fonte sur le feu de bois. C’est du sport !! C’était touchant d’être là où Taigue a grandi, de rencontrer sa famille, de voir sa chambre d’enfance, de voir tous les neveux et nièces courir partout dans la concession familiale.

Le 9 janvier au matin nous avons fait une entrevue/rencontre avec John-de-John, le marionnettiste du Tchad. Il nous a accueilli chez lui, dans la grande concession dont il est propriétaire. John a découvert la marionnette au milieu des années 1990 et y consacre sa vie depuis. Il a monté plusieurs spectacles qui ont tourné un peu partout en Afrique et en Europe. Malgré cela, comme pour les autres artistes rencontrés, le manque de soutien de l’État rend sa tâche ardue. À 50 ans, John a été accepté à Charleville-Mézière en France (LE centre de formation en marionnette, reconnu internationalement). Il n’a pas pu se rendre faute de moyens pour payer son transport là-bas… Il nous a montré ses marionnettes et nous a parlé de ses activités de sensibilisation pendant que ses apprentis, à côté, sculptaient de grosses têtes dans la mousse. Son prochain projet : faire des marionnettes géantes de Sao. Les Sao, ancêtres mythiques des Tchadiens, pouvaient mesurer jusqu’à 3,5 mètres et avoir une force prodigieuse. Ils chassaient l’éléphant — enfin c’est ce qu’on dit ! Selon John, s’il y a un peuple qui peut et doit faire des marionnettes géantes, c’est celui qui descend des Sao, les seuls véritables géants d’Afrique. Le rêve de John : fonder une école de marionnette à N’Djamena et participer à former toute une génération de jeunes marionnettistes. « Tous ces gens-là formés, représentant le Tchad, et on pourra dire : ça, c’est l’oeuvre de John. Ne pas partager ce savoir, qui m’a été donné par Dieu, ce serait méchant, ce serait mal» nous dit-il, à l’ombre de son grand arbre, caressant les cheveux de son dernier enfant, nommé Espoir et âgé de quatre ans.


On a les papiers — plus rien pour nous freiner… ou presque !
Croyez-le ou non, on a eu nos &%#$ d’autorisations. Le 9 janvier en après-midi, nous revenions à peine de l’entrevue avec John lorsque Taigue a appelé. Il sortait du Ministère de l’Intérieur. « Ce sont vraiment des enfoirés. On a les papiers. Ça a été dur hein. Ce sont vraiment des… si je payais pas ils me donnaient pas. En tout cas, on part demain pour Goré. » Le pire dans tout ça, c’est que si on regarde bien lesdits papiers, on constate qu’ils sont émis depuis le 27 décembre. Depuis cette date, les papiers « circulent » d’un bureau à l’autre et d’une instance à l’autre pour recevoir des tampons et des signatures, et Taigue court derrière. Si Taigue ne jouait pas de ses relations et s’il ne sortait pas les billets demandés à la fin, on ne recevait les papiers que dans six mois… la corruption engendre la corruption. 

Ironie : vous savez ce qui est beau ? Le 27 décembre, Monsieur le Président a fait voter une loi anti-corruption à l’Assemblée — non mais quelle mascarade !

Le 10 janvier on a donc pris la route de Goré à 6h30. Retour sur cette route faite de trous, de crevasses, de goudron et de terre, à travers les petits villages, les plantations, les paysages désertiques se densifiant de plus en plus alors qu’on gagne doucement le sud. N’Djamena-Gelendeng, Genlendeng-Bongor, Bongor-Kelo, Kelo-Moundou, Moundou-Goré : 13h30 de route. 


La route de jour, c’est franchement mieux ! Ah oui bon, petit détail comme ça : on a laissé les freins à Dosseye. Oui-oui : les freins ! Les freins !!! À 30km de Goré, alors que nous traversions une énième crevasse, les plaquettes sont tombées. Fini — on ne s’arrête plus. Pendant 1h30, le chauffeur Roger a donc patiemment et habilement manié le frein à main à travers la route de terre cahoteuse menant au point de chute. Juste pour être certain d’avoir une histoire de plus à raconter….!


En route... !

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