jeudi 24 novembre 2016

Jour 2 - Le travail commence !

Mardi le 22 novembre 2016

C'est un départ
Ce matin nous assistons à la conférence de presse du Festival Souar-Souar à l’IFT. Nous y présenterons une création alliant danse/théâtre/musique née de notre travail ensemble depuis 2013. Le festival est dirigé cette année par le danseur/chorégraphe Yaya Sarria — une des personnes qui ont fait de mon séjour de 2013 un moment si mémorable. On y constate l’ampleur et la notoriété qu’a pris le festival depuis sa création en 2012. On y parle aussi beaucoup de « la crise » qui frappe le Tchad et qui ampute le domaine des arts de la majorité de ses moyens. Force est de constater que N’Djamena n’est plus tout à fait la même. En 2013, c’était le boom économique, immobilier et culturel. Je me rappelle d’une ville en construction à bien des niveaux. Avec la chute des cours du pétrole les investisseurs sont repartis, les grands chantiers ont été arrêtés et le peuple cherche comment survivre alors que l’État a dilapidé tout l’argent accumulé depuis quelques années. Bien entendu, un journaliste (celui-là… il est partout non ?…) s’est donné le devoir de remettre en question la rentabilité de la danse contemporaine. 

Un festival est-il rentable financièrement ? Rarement. Par contre, quel autre évènement peut se targuer d’accueillir des participants de seize pays et de quatre continents, de mener des activités dans toute la ville, d’offrir des formations variées aux jeunes et aux professionnels ? Ces initiatives sont quantifiables à moyen et à long terme. Une quantité étonnante de jeunes ont trouvé un sens à leur vie grâce à la danse à N’Djamena depuis quelques années. Souar-Souar est maintenant une activité culturelle courue par les publics locaux et par les étrangers. Plus de 6000 spectateurs ont assisté aux multiples activités l’an dernier. Ces gens consomment, utilisent les hôtels, et font rayonner la ville à l’extérieur du pays et du continent. Est-ce rentable ? Ça dépend de la façon dont vous regardez les chiffres, Monsieur…

Inspirations
Inspirante (et lumineuse !...) Soeur Aida
Dès midi, nous sommes allés faire la rencontre de Sœur Aida, la dame qui gère le Centre Al Mouna où sont installés les bureaux de l’Association Ndam se na. Quelle femme inspirante! Cette dame libanaise, installée au Tchad depuis un peu plus de quatre ans, mène à bout de bras ce lieu aux valeurs remarquables. C’est ici que nous travaillerons en création la semaine prochaine. On y retrouve une bibliothèque, un studio de répétition, une salle de spectacle, plusieurs lieux de rencontre et le siège social de plusieurs associations culturelles et religieuses. Soeur Aida porte en elle une vision/mission sociale reposant sur la rencontre et la compréhension de l’Autre, sur l’intégration, la justice et l’égalité entre toutes et tous. Samedi nous assisterons à un panel public regroupant un archevêque catholique, un imam et un pasteur, le tout modéré par un sociologue et anthropologue se spécialisant dans le rapport entre les différentes grandes religions. On s’en reparle !…



Bienvenue au Centre Al Mouna !
Retour à l’IFT afin de rencontrer les sept danseurs qui travaillent actuellement à la nouvelle création de Taigue. Ils sont tous allés travailler dans les camps de réfugié dans le cadre des activités de Ndam se na, et font maintenant un spectacle explorant la réalité des réfugiés qu’ils ont rencontrés, mais aussi la situation des réfugiés de par le monde et les migrations (volontaires et involontaires) de tant de peuples terrestres. Pour la première fois, nous avons pu discuter longuement avec d’autres personnes (outre Taigue) ayant fait directement l’expérience des camps de réfugiés. Fascinant et très éclairant. Non seulement ils ont accepté de répondre à nos questions, mais ils seront en quelque sorte nos cobayes pendant les prochains jours, alors que nous testerons avec eux le matériel que nous désirons partager dans le cadre de nos ateliers dans les camps qui se tiendront du 13 au 23 décembre 2017 et du 3 au 17 janvier 2017. Ils profiteront de nouveaux outils de création, et nous profiterons de leurs retours sur notre enseignement et sur les modifications que nous pouvons y apporter d’ici notre départ. Cocasse : Taigue, qui ne connaissait pas le mot cobaye, les appelle maintenant nos « cowboys » !

Échange...
Moments magiques...
Assis au café de l’IFT à la fin de cette journée fort enrichissante, alors que Geneviève et Étienne mangent pour la première fois des criquets grillés (!), nous remarquons que Frédéric a apporté sa cithare et que Geneviève tient sa flûte dans son sac…! Moment d’une grande puissance alors qu’ils se découvrent, se cherchent, se regardent tous les deux avec des yeux curieux, parfois incrédules, parfois confus, toujours pétillants… Et nous nous laissons bercer par cette rencontre improbable des mondes, entre musique celtique et rythmes cycliques, osant à peine les regarder de peur qu’ils s’arrêtent, tous conscients de la sublime et douce fragilité de ce moment unique…. entre deux gorgées de Guinness du Cameroun !






Mouton rôti pour souper ?... Miam !


Jour 1 - Rebonjour N'Djamena !

Lundi le 21 novembre 2016


L’arrivée
Nous sommes débarqués à N'Djamena vers 22h dimanche soir. Mon arrivée en décembre 2013 avait été plutôt rocambolesque (voir le blog écrit à l'époque - lien). Cette fois, le tout s'est déroulé de façon beaucoup plus douce, alors… désolé à l'avance pour les amateurs d'émotions fortes, de chocs thermiques et de clowns qui s’en prennent plein la gueule ! Bon, personnellement moi je ne m'en plains pas...

À la sortie de l'avion, l'air chaud et l'odeur vaguement terreuse me rappellent mon dernier séjour. Ça y est... après plus de deux ans de préparation, nous y sommes ! C'est presque irréel de mettre les pieds au Tchad accompagné de Geneviève et d'Étienne. Taigue et Sarah (dramaturg allemande, associée à plusieurs projets de Ndam se na, et conjointe de Taigue) nous accueillent à l'aéroport, une bouteille d'eau fraîche pour chacun de nous en guise de bienvenue (c'est tradition ici). Grand bonheur des retrouvailles, assis dehors au bar dans la nuit n’djamenoise, autour d'une bière bien fraîche (bien entendu ! Castel? Gala?...) – notons le grand sourire sur les lèvres d'Étienne lorsqu'il a constaté la grandeur des bouteilles de bière tchadiennes ! « Vous avez faim ? » Taigue commande trois maquereaux braisés, cuits juste à côté sur le gril à même la rue. Ô saveurs du Tchad ! Cuits à point, avec cette petite saveur de charbon rehaussée de piment.


Les courses au soleil
Lundi c'est jour d'acclimatation, de démarches administratives et de courses. Il fait 39 degrés à l’ombre, mais l’air est si sec que la chaleur n’est accompagnée d’aucune lourdeur. Ça rend la chose très tolérable. On annonce 39 degrés pour les deux prochaines semaines… non ! Vendredi dans deux semaines, ce sera plus froid: il fera 37…!


Cyril, Étienne et Ibrahim -- déjà des potes!
Étienne, sur l'heure européenne depuis plusieurs semaines, ne tarde pas à se mettre au boulot. À l’aube il est déjà sur le toit de notre appartement en train de prendre des images de la ville, et en matinée il est en pleine réunion avec Cyril Danina, vidéaste tchadien, et son équipe. Les deux collaboreront afin de réaliser les films documentaires qui feront état de notre projet. Ça semble cliquer fort... déjà lorsque nous les retrouvons en fin d'avant-midi dans l'appartement d'Étienne, ils sont entourés de matériel informatique, de lentilles et de caméra, ils s'échangent des images et ils parlent ce langage incompréhensible des vidéastes truffé de chiffres, de termes techniques et de techno-babble dignes d'un épisode de Star Trek. Ça doit être bon signe…!






Le studio, pour les photos d'identité


En après-midi, Roger (chauffeur de l'équipe pour les deux prochains mois) nous promène d'un endroit à l'autre afin que l'on règle les différentes démarches administratives nécessaires au bon déroulement de notre séjour ici. Geneviève et Étienne ont les yeux écarquillés alors que l'on traverse la ville. Une vague de bonheur m'envahit à l'idée d'être de retour en ce pays, d'y retrouver les personnes merveilleuses rencontrées il y a trois ans, de rencontrer plein de nouveau monde et de m'imprégner de cette culture pendant neuf semaines.








Première rencontre


L'après-midi se termine et le soleil tombe alors que nous nous installons au café de l'Institut français du Tchad (IFT). Geneviève y rencontre pour la première fois Frédéric Samara, cithariste et balafoniste qui partagera avec elle la conception sonore et les ateliers de musique. Rencontre fascinante s'il en est, entre une saxophoniste classique/contemporaine et un musicien traditionnel  : deux univers, deux cultures, deux réalités portées par ce désir commun de faire vibrer les âmes et les corps. 









Ouahhh ça y est... l'équipe est là, on y est !!! Et la discussion passe comme ça de la musique de chaque pays aux cinémas d'ici et de chez nous, du théâtre à la danse à la myriade de festivals qui envahissent N'Djamena en novembre-décembre chaque année. Merci, la vie...!


Étienne et Cyril en scooter 



N'Djamena