lundi 28 novembre 2016

Jour 3 - Débroussaillages

Mercredi le 23 novembre 2016

Préparation
Ce matin, l’avant-midi était réservé à une première réunion à quatre avec Taigue, Geneviève et Frédéric. Au menu : planification des prochaines semaines de travail, mise à jour du calendrier de création et préparation des ateliers que nous donnerons aux danseurs de Taigue en vue du travail dans les camps. 

Nous décidons de repousser le travail de création intensive à la semaine prochaine afin de nous concentrer sur les ateliers pendant les trois prochains jours. En effet, nous n’aurons accès aux danseurs/cobayes/cowboys de Taigue que pendant trois jours. Ils entament dès lundi une formation avec une chorégraphe allemande invitée par l’Association Ndam se na. D’ailleurs, cette formation sera également offerte à un groupe de sept réfugié.e.s, avec qui l'équipe de Taigue a travaillé dans les camps cet automne, qui arriverons à N’Djamena ce vendredi. Ainsi, sept réfugiés ayant montré un intérêt marqué et un certain potentiel auront la chance de suivre, accompagnés de sept danseurs de l’Association Ndam se na, une formation professionnelle de haut calibre, jouissant d’une permission du Haut-Commissariat aux Réfugiés de quitter les camps pour toute la durée de l’évènement — plutôt incroyable, non ? …

Ateliers à l'IFT
Taigue et Frédéric ont déjà l’expérience des camps de réfugiés. C’est donc Geneviève et moi qui assurerons les ateliers des trois prochains jours, afin de tester notre matériel et de recevoir des retours, conseils et autres suggestions pouvant nous aider à orienter le travail que nous ferons dans les camps. Geneviève a décidé de proposer un atelier sur les instruments-maison, faits à partir d’objets de la vie quotidienne — dans ce cas-ci des bouteilles pour faire des instruments à vents. Pour ma part, j’ai fait avec eux un premier travail sur l’espace.

Échanges
À la fin des ateliers, Taigue a proposé à ses sept danseurs de nous présenter le travail de création qu’ils mènent présentement en vue du prochain spectacle de la compagnie. Le work-in-progress d’environs 5-7 minutes qu’ils nous ont généreusement et humblement montré traite des déplacés et de leur réalité. La discussion qui a suivi s’attardait donc à la fois à ce qu’ils nous ont présenté et à ce que nous leur avons proposé en ateliers.

Je remarque une chose qui m’avait également frappé en 2013. Nous avons affaire à des danseurs/bougeurs d’exception, à d’incroyables techniciens du mouvement qui ont une rigueur remarquable. Par contre leur sens critique — leur capacité à donner une opinion ou à créer/improviser — est peu développé. On sent une facilité à reproduire, un réel désir de bien (re)faire, mais une certaine difficulté à s’investir et à s’exprimer réellement à travers leur travail. Est-ce étonnant, dans une société où le régime politique n’encourage aucunement la critique, où il y a un ministère de l’information et où le même président s’accroche au pouvoir depuis vingt-six ans ?… Les jeunes ne sont pas encouragés à émettre une opinion, à imaginer d’autres mondes et d’autres avenues. En ce sens, le travail que Taigue et Sarah font avec eux est d’une importance primordiale. 

Le dialogue des vibrations
En fin d’après-midi, au Centre Al-Mouna, Taigue et moi devions régler quelques détails administratifs alors que Geneviève et Frédéric ont poursuivi l’exploration entamée la veille. La fascination première étant passée, ils sont maintenant en train de se chercher et ils découvrent à quel point non seulement leurs univers musicaux diffèrent, mais leur compréhension même de la musique n’est pas la même. D’autant plus qu’il y a parfois une barrière de langue, Frédéric s’exprimant plus facilement en patois qu'en français et Geneviève parlant avec un accent canadien ! Nous avons assisté à de beaux moments de suspensions, de fous rires, d’incompréhensions profondes aussi. 

Il est toujours touchant, pour moi, de constater à chaque projet du genre la grande sensibilité qui nait entre les êtres. Très souvent on ne se comprend pas — surtout en début de parcours — mais on se cherche, les regards sont profonds, les sourires sont francs. On se cherche. On sait que c’est fragile. Se comprendra-t-on ? Peut-être, en partie… mais certainement pas complètement. N'est-ce pas dans ces espaces d’incompréhensions que se déploie la réelle rencontre ?

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